La diminution de la résistance osseuse retrouvée dans l’ostéoporose est source d’un risque amplifié de fracture. Dans ce contexte, on dénombre en France, près de 400 000 fractures chaque année. Récemment, une équipe internationale de chercheurs a étudié la génétique de 377 201 patients souffrant d’ostéoporose. Leurs résultats montrent que deux facteurs majeurs sont à considérer pour évaluer le risque de fracture : la densité minérale osseuse et la force musculaire.
Une étude inédite sur la génétique de l’ostéoporose
Pour mener à bien ces travaux, codirigés par des chercheurs canadiens de l’Université McGill de Montréal et des chercheurs néerlandais de l’Université Erasmus de Rotterdam, il a tout d’abord fallu examiner les données médicales et génétiques de 377 201 patients atteints d’ostéoporose.
L’analyse statistique de ces données montre qu’il existe 15 gènes impliqués dans le risque de fracture.
Ces gènes ayant un rôle dans la fracture avaient une influence, de près ou de loin, sur la densité minérale osseuse.
À savoir ! La densité minérale osseuse (DMO) se mesure en réalisant une ostéodensitométrie qui est un examen radiologique pratiqué avec des rayons X de très faible intensité. Il s’agit de mesurer le contenu minéral de l’os par unité de surface (g/cm2). La DMO augmente avec la croissance jusqu’à 20-25 ans, puis reste constante jusqu’à 35-40 ans environ, pour diminuer ensuite progressivement.Plus la DMO est faible, plus le risque de fractures est élevé.
Plusieurs de ces gènes sont s impliqués dans l’expression de protéines connues pour jouer un rôle dans les fractures ostéoporotiques comme le récepteur aux œstrogènes ou la sclérostine. De nouveaux facteurs ont également été mis à jour et pourront constituer, à l’avenir, des cibles médicamenteuses.
À savoir ! La sclérostine est une protéine produite au niveau des os par les cellules nommées ostéocytes. C’est un régulateur négatif de l’ostéoformation, autrement dit, elle freine le développement du squelette. Un déficit en sclérostine entraîne une hyperproduction osseuse, alors qu’un excès conduit à une perte osseuse et une résistance osseuse réduite. Le romosozumab (anticorps monoclonal) inhibe la sclérostine et fait l’objet actuellement d’investigations cliniques.
Sur les 15 facteurs de risque cliniques étudiés, les chercheurs se sont rendu compte que la diminution de la densité minérale osseuse était le seul facteur de risque ayant un lien de cause à effet sur le risque de fracture.
Ainsi, par exemples, la polyarthrite rhumatoïde, le taux de vitamine D, l’apport en calcium, la glycémie (taux de sucre dans le sang) à jeun, le diabète de type 2et les coronaropathies ne sont pas des facteurs de risque déterminants de fractures osseuses.
La force de préhension : un marqueur du risque de fracture ?
La force de préhension de la main n’a pas semblé être corrélée à la densité minérale osseuse.
Néanmoins, cette force pourrait être un indicateur indirect de la force musculaire globale et du risque de chute. Indirectement, elle pourrait être impliquée dans les étapes conduisant à la fracture indépendamment de la densité minérale osseuse.
À savoir ! La force de préhension est une mesure de la vigueur des muscles des avant-bras, des poignets et des mains. Elle est mesurée avec un dynamomètre.
Une précédente étude avait montré qu’une force de préhension élevée est associée à une diminution du risque de fracture.
Les chercheurs pensent donc que tester la force de préhension pourrait être pertinent à intégrer dans les examens cliniques visant à évaluer les risques de fracture d’un patient.
Repenser la prévention des fractures
Pour Brent Richards, généticien-épidémiologiste qui a supervisé cette étude : «ces résultats suggèrent que les interventions visant à augmenter la solidité des os sont plus susceptibles de prévenir les fractures que des apports supplémentaires en vitamine D».
Finalement, l’équipe de chercheurs avance que cette découverte doit encourager les cliniciens à mettre davantage l’accent sur le renforcement de la DMO des patients qui passe notamment par la pratique régulière d’exercices physiques adaptés.
Environ 30 % des personnes de plus de 65 ans prennent des suppléments de vitamine D conformément aux recommandations dans la prise en charge de l’ostéoporose et la prévention des fractures.
Or, l’étude souligne en accord avec d’autres études antérieures, qu’il n’existe aucune preuve d’un effet bénéfique d’une supplémentation en vitamine D sur la DMO chezdes personnes non carencées. Il existerait un effet de seuil à partir duquel la vitamine D n’influence plus la DMO.
Concernant la supplémentation en calcium, les études sont très hétérogènes et son intérêt dans la prévention des fractures, a été récemment remis en cause. De plus, il a été montré qu’un taux élevé de calcium sérique constitue un facteur de risque de maladies coronariennes (infarctus du myocarde) et de formation de calculs rénaux. Il est donc conseillé de ne pas dépasser un apport total en calcium de 1 200 mg / jour chez les personnes âgées.
Ainsi, l’ensemble de ces données sur la vitamine D et le calcium souligne la nécessité de réévaluer leur utilisation très répandue en pratique clinique.
Cependant, les auteurs précisent bien qu’il ne faut pas se méprendre : les patients prenant des médicaments contre l’ostéoporose ou les patients présentant un déficit en vitamine D ne doivent pas arrêter leur traitement sans l’avis de leur médecin.En revanche, ils rappellent les principes de base pour conserver sa santé osseuse : manger sainement, rester actif physiquement et profiter de quinze minutes d’exposition au soleil chaque jour.
Julie P., Journaliste scientifique
– Assessment of the genetic and clinical determinants of fracture risk: genome wide association and mendelian randomisation study. The BMJ. . K Trajanoska et al. Consulté le 19 septembre 2018.